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  • : La géopolitique par Jacques Soppelsa
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Cv Jacques Soppelsa

Agrégé de géographie , Docteur d'Etat ,et Professeur de géopolitique à l'université Paris I (Panthéon-Sorbonne). Retrouvez le Cv résumé en cliquant sur le lien suivant : Jacques Soppelsa

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Publications

1971 : Les Etats Unis (PUF)
1972 : Géographie Universelle (2 tomes) Livre du mois
1973 : Le Moyen  Orient (3 tomes) Mang
1975 : L'économie des Etats Unis (Masson). Livre du mois
1976 : La Géorgie méridionale et le Vieux Sud des Etats Unis (thèse)
1979 : Les grandes puissances (Nathan)
1980 : Géographie des Armements (Masson) Livre du mois
1981 : Histoire du Far West (Larousse  BD) 32 facsicules en coll.
1982 : La Terre et les hommes (Belin)
1984 : Des tensions et des armes (Publications de la Sorbonne)
1986 : Lexique de  Géographie Economique (en coll  Dalloz)
1988 : Lexique de Géopolitique (Dir. Dalloz)
1992 : Géopolitique de 1945 à nos jours (Sirrey)
1994 : La Patagonie (en coll. Autrement)
1995 : Los Frances en Argentina (en coll .Zago)
1996 : La dictature du rendement (Ellipses)
1997 : Dix mythes pour l'Amérique (Colin)
1999 : la démocratie américaine (Ellipses)
2001 : Géopolitique de l'Asie Pacifique (id)
2003 : Le Dialogue régional en Amérique Latine (Ellipses)
2005 : Les Etats Unis .Une histoire revisitée (La  Martinière-.Le Seuil)
2006 : "Dix morts en sursis" -Roman de Géopolitique fiction- Editions du Club Zero
2008 : Géopolitique du monde contemporain (en coll.) (Nathan)

2009 : Les sept défis capitaux du Nouvel Ordre Mondiale

2010 : Dictionnaire iconoclaste de l'immigration

2011 : Géopolitique et Francophonie

2012 : Louis XVII, La piste argentine

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22 juillet 2008 2 22 /07 /juillet /2008 15:58
Le manque d’une politique extérieure énergétique commune  

 

L’incapacité de la politique extérieure européenne de produire de résultats concrets quant à la diversification de l’approvisionnement énergétique dans la région de l’Asie Centrale est due en premier lieu au manque d’une vraie politique commune.

Etant donné que l’intégration du marché européen de gaz et d’électricité est loin d’être accomplie, il existe une grande hétérogénéité quant à la dépendance du gaz russe dans des différents pays membres.[1] Ceux qui s’en dépendent le plus, sont fortement exposés à la pression russe pour une coopération plus étroite en matière d’énergie. En l’absence d’un plus grand soutien de la part de l’Union Européenne pour y faire face, ils cherchent à tout prix à se mettre en accord avec Gazprom pour ne pas mettre en jeu la sécurité de leur approvisionnement. De cette façon, plusieurs projets envisagés par l’Union Européenne, destinés à la libérer de la dépendance de la Russie, se trouvent en concurrence avec d’autres projets décidés par Gazprom en coopération avec quelques pays européens, qui manque de perspective alternative crédible préfèrent ne pas contester la solution sûre – au moins à court terme – du gaz russe.

Le projet “Nabuco” a largement souffert de ce manque de coopération au niveau européen pour l’élaboration d’une politique commune qui prendrait en considération les préoccupations de tous les pays membres en les dissuadant de cette façon de poursuivre leur propre stratégie énergétique.

En premier lieu, plusieurs problèmes ont été posés à ce projet par la construction de “Blue Stream”, un gazoduc, qui traverse la mer Noire et unit la Russie avec la Turquie en fournissant de cette manière avec de gaz russe la Turquie et par là les marchés européens. Blue Stream, qui est déjà en fonction depuis 2002, a eu un grand succès commercial et l’énergie russe a dominé le marché turc. Ainsi, Blue Stream constitue une concurrence considérable pour le gazoduc Baku-Tbilisi-Erzerum, qui transport de gaz ajerbaijanais, mais qui fonctionne à un niveau inférieur de sa capacité. L’existence de deux tubes rivaux, qui visent à transporter de gaz en Turquie ne se justifie pas dans une logique commerciale étant donné la taille limitée du marché énergétique turc.

Malgré les problèmes que Blue Stream pose à Baku-Tbilisi-Erzerum, qui est une infrastructure sous l’égide d’INOGATE, il était construit par “Blue Stream Pipeline B.V”, une entreprise de droit hollandais constituée de la coopération de Gazprom avec l’entreprise publique italienne ENI. L’Italie est, en fait, un des pays membres de l’Union Européenne des plus fortement dépendants du gaz russe, ce qui peut en partie expliquer le grand intérêt italien de sécuriser son approvisionnement énergétique par la Russie. 

Toutefois, la construction de Blue Stream, la conduite de gaz russe en Turquie et le manque de marge commerciale pour d’autres infrastructures ont eu également d’implications sur les plans  européens pour la construction d’un gazoduc qui transporterait de gaz turkmen via l’Iran en Turquie et par là en Europe. Ce projet a été, en fait, reculé vers la fin des années ’90. La logique de ce gazoduc turkmeno-irano-turc serait de diversifier de plus les sources de gaz auxquels l’Europe pourrait avoir accès étant donné la capacité limitée de l’Azerbaijan de couvrir les besoins européens. Or, l’Union Européenne a perdu cette chance pour faire entrer le gaz turkmen directement en Europe hors control russe. La combinaison de l’échec de ce projet et de la capacité contestable de l’Azerbaijan à court terme, met en danger la viabilité de Nabuco, ce qui explique partiellement l’hésitation profonde de la part des entreprises énergétiques d’investir dans le projet.

Dans ce contexte, il est évident comment l’autonomisation de la stratégie nationale d’un pays européen,  qui cherche à sécuriser ses propres intérêts énergétiques, peut avoir un impact considérablement négatif sur l’effort de l’Union de promouvoir la stratégie communautaire de diversification de l’approvisionnement énergétique. La coopération de l’Italie avec Gazprom a permis, en fait, le renforcement de l’accès de l’énergie russe à l’Europe en aggravant sa dépendance. Gazprom a pu de cette façon acquérir un avantage en ce qui concerne le control du Corridor énergétique de l’Europe de sud (Turquie, Balkans, Europe Centrale).

La coopération entre ENI et Gazprom s’est étendue de plus en juin 2007, quand les deux entreprises ont conclu un accord concernant la construction en commun d’un gazoduc – South Stream[2] – qui va transporter de gaz russe en traversant la mer Noire de Beregoyava en Russie jusqu'à Varna en Bulgarie. De là, deux différents tubes commenceront, une route méridionale vers l’Italie de sud via la Grèce, et une route septentrionale vers l’Italie de nord et l’Autriche via la Roumanie, la Hongrie, la Slovénie. [3] South Stream constitue également un grand succès de l’effort de la politique énergétique russe de contrôler les exportations énergétiques provenant de l’Asie Centrale et de la mer Caspienne vers l’Europe et un encore échec européen de promouvoir vite et effectivement de projets d’infrastructure qui diminueront la dépendance européenne du système russe de transit énergétique. South Stream concurrence fortement Nabuco, puisqu’ils visent tous les deux à fournir les mêmes pays avec de gaz. Ce qui différencie les deux cas est l’origine du gaz et dans ce contexte, l’avance de South Stream plutôt que Nabuco constitue une évolution négative pour les intérêts énergétiques de l’Union Européenne.

D’autres pays de l’Europe Centrale qui pourraient se bénéficier fortement de Nabuco se sont aussi montrés longtemps hésitants quant à leur choix et ambivalents entre Nabuco et les projets russes. La Hongrie, la Slovaquie, la République tchèque appartiennent parmi eux en raison de leur forte dépendance du gaz russe. La Hongrie a en fait fin 2006-debut 2007 refusé son consentement au passage de Nabuco par son territoire tout en défendant les projets russes. Pour faire la Hongrie rallier les projets russes au lieu de consentir à la planification européenne quant à Nabuco, Gazprom lui a déjà proposé – à part de la route septentrionale de South Stream, qui passera par son territoire - la construction, alternativement, d’un gazoduc qui se dérivera de Blue Stream et qui terminera dans le territoire hongrois en passant par la Bulgarie et la Roumanie, ce qui transformerait la Hongrie d’un simple pays de transit à un centre énergétique de l’Europe Centrale.[4] Etant donné que le soutien hongrois à Nabuco est essentiel à cause de la place cruciale du pays sur sa route, un alignement de la Hongrie avec la Russie pourrait provoquer l’échec des projets européens. De toute façon, la dépendance de l’Autriche de gaz russe n’a pas pu être diminuée. L’Autriche a en fait signé de nouveau, en mai 2007, un accord avec Gazprom concernant  d’importations gazières croisées.

Néanmoins, la plupart des pays dépendants du gaz russe et exposés de cette raison à la pression russe, qui refusent à consentir à Nabuco, sont prêts à participer à sa construction à la condition que les termes de son fonctionnement se transforment pour que Gazprom puisse également y participer. Cette transformation annulerait toutefois l’importance stratégique du projet, qui est le transfert d’énergie non-russe à l’Europe. C’est pourquoi les fortes réactions négatives de la part de l’Union Européenne a empêché cette évolution jusqu'à maintenant.

Le succès potentiel de South Stream pose également plusieurs problèmes à la viabilité de TGI, le gazoduc qui unit la Turquie avec la Grèce et qui est prévu de s’étendre jusqu'à l’Italie. TGI, ainsi que Nabuco, constituent des efforts majeurs de l’Union Européenne d’avoir un accès direct au gaz ajerbaijanais sans ayant besoin du système de transit russe.

Plusieurs autres exemples du manque d’une politique extérieure européenne commune en matière d’énergie pourraient être cités.

En effet, la Russie a signé un accord avec la Grèce et la Bulgarie concernant la construction d’un oléoduc qui unira Burgas avec Alexandroupolis et qui transmettra de pétrole russe en Europe. Il s’agit du premier oléoduc sur le territoire européen contrôlé par une entreprise étatique russe.[5] L’oléoduc Burgas-Alexandroupolis fournit la Russie avec un accès de plus aux marchés européens via le Corridor de l’Europe de sud. L’Union Européenne ne s’est  pas fortement occupée d’empêcher ce projet, elle a mis au contraire tous son effort à la coordination de sa politique pour soutenir Nabuco. De cette façon, la Russie a pu gagner d’avantages importants sans forte résistance de la part de l’Union Européenne. Blue Stream, South Stream et Burgas-Alexandroupolis signifient ensemble l’avance russe vers la domination dans le Corridor de l’Europe de sud.

L’oléoduc Burgas-Alexandroupolis facilite très bien le transfert de pétrole russe vers les marchés européens en évitant le détroit du Bosphore et des Dardanelles qui entraînent plusieurs problèmes en matière de retard, des dépenses supplémentaires, de pollution. De cette manière, la Russie a pu augmenter la quantité de pétrole d’origine kazakhe transporté via l’oléoduc Caspian Pipeline Consortium (CPC) vers la mer Noire. De là,  le pétrole traverse en tanker la mer Noire et via Burgas-Alexandroupolis il est transporté en Méditerranée.

Un autre projet qui signale très bien cette autonomie des pays membres quant à la formation de leur politique extérieure énergétique au détriment d’une position européenne claire et constante face à la diversification de l’approvisionnement énergétique de l’Union Européenne est le “Nord Stream” ou “North European Gas Pipeline”. Dans ce cas, il s’agit de la construction d’un gazoduc qui transmettra de gaz russe de la Russie directement en Allemagne en traversant la Mer Baltique et en contournant les pays baltes et la Pologne.[6] La signature de l’accord de construction de Nord Stream a provoqué des réactions intenses de plusieurs côtés. De nombreux pays membres ont dénoncé la décision allemande de procéder à la coopération avec Gazprom dans un projet de telle importance[7] en ignorant des soucis qu’il crée.

La Commission européenne a, pourtant, en 2000 intégré Nord Stream aux projets énergétiques d’intérêt pan-européen en reconnaissant son importance stratégique dans le domaine de diversification des voies d’acheminement d’énergie. C’est aussi la logique de la cote russe. La Russie s’efforce elle-même de diversifier les voies d’exportation de son énergie vers l’Europe pour ne pas être dépendante des pays de transit de l’Europe de l’est. Aujourd’hui 80% des exportations gazières russes sont acheminés vers l’Europe via un gazoduc qui passe par le territoire ukrainien et 20% par un deuxième gazoduc qui passe par la Biélorussie et la Pologne. Les relations problématiques de la Russie avec ses voisins mettent alors en jeu la livraison fiable d’énergie en Europe, qui constitue son meilleur client. Nord Stream alors, ainsi que Blue Stream, que Burgas-Alexandroupolis constituent d’efforts russes de libérer le partenariat russo-européen énergétique des obstacles que quelques pays membres ou voisins voudraient y poser.

Il est évident alors que la politique européenne de diversification énergétique doit être élaboré dans des contextes très délicats pour que l’un aspect ne soit pas en contradiction avec l’autre. L’Union Européenne n’a  aucun intérêt à dissuader la Russie d’effectuer d’investissements dans le domaine énergétique pour que le partenariat euro-russe soit facilité. Il existe en fait un équilibre fin entre l’effort de l’Union Européene de diversifier à tout prix son approvisionnement et le développement de sa relation avec la Russie.        

 

La difficulté d’assurer des contrats de livraison à des bons termes

 

En deuxième lieu, le manque de grand succès de la politique extérieure européenne en Asie Centrale est du à la difficulté de conclure des contrats de livraison d’énergie à long terme qui assureront le fonctionnement profitable des projets d’infrastructure soutenus par l’Union Européenne.

Le cas du projet TGI, du gazoduc Turquie – Grèce – Italie, peut expliquer très bien ce point faible de l’effort européen. TGI vise à l’intégration des systèmes du transport gazier des trois pays pour que le transport du gaz ajerbaijanais soit facilité.[8] Il est prévu qu’avec les investissements nécessaires au développement des gisements ajerbaijanais pour que la production gazière puisse s’accélérer, le pays pourrait dans neuf années environ exporter vers l’Europe le tiers de la quantité que la Russie fournit aujourd’hui. En effet, il existe une relation entre la volonté des entreprises d’investir au développement des gisements et leur volonté d’investir à la construction de projets d’infrastructure. L’offre des plusieurs voies de transit du gaz produit en Azerbaijan est une condition nécessaire pour attirer d’investissements dans la production et le manque de perspectives crédibles pour une diversification de transit recule les investissements.

Il existe alors d’inquiétude de la part européenne, que l’Azerbaijan ne pourra pas fournir seul la quantité de gaz nécessaire pour que le gazoduc TGI, ainsi que Nabuco, puisse fonctionner à un niveau suffisant. L’Ajerbaijan a aussi d’autres responsabilités de livraison qui proviennent d’autres contrats, il doit également couvrir ses propres internes besoins énergétiques. Dans ce cas, l’entreprise qui opère le gazoduc devrait recourir au gaz russe pour garantir les quantités supplémentaires nécessaires. Cette évolution annulerait bien sûr l’importance stratégique de ce projet qui cherche à fournir le marché européen avec de gaz non-russe.

Ces limites à la capacité ajerbaijanaise de production gazière augmentent l’importance du gaz provenant des pays de l’Asie Centrale pour la sécurité énergétique de l’Union Européenne. Dans ce domaine, la Russie a pu également nuire d’une façon considérable les démarches européennes pour conclure d’accords de livraison énergétique avec le Kazakhstan et le Turkmenistan. En effet, en Mai 2007 un accord a été signé entre la Russie et les deux pays de la mer Caspienne qui prévoit la construction d’un nouveau gazoduc littoral à la mer Caspienne unissant les trois pays et acheminant le gaz turkmen et kazakh vers la Russie et par là vers l’Europe. Cette évolution se met naturellement en forte contradiction avec les projets européens d’acheminer le gaz des deux pays à travers le gazoduc trans-caspien vers le gazoduc Baku – Tbilisi – Erzerum en contournant la Russie. La construction d’un gazoduc trans-caspien paraît de cette façon très risquée, étant donne qu’il est déjà décidé de faire destiner la grande majorité du gaz turkmen et kazakh vers la Russie.

De plus, l’accord de mai 2007 entre la Russie, le Kazakhstan et le Turkmenistan inclut des projets dans le domaine du pétrole qui posent de graves termes au progrès des projets soutenus par l’Union Européenne. Plus précisément, le Kazakhstan a consenti à l’augmentation de sa quantité pétrolière acheminée via CPC – Caspian Petroleum Consortium, vers Novorosisk, le port russe de la mer Noire. Une grande partie de cette quantité pétrolière sera acheminé via l’oléoduc Burgas-Alexandroupolis, ce qui met ce projet sous d’égide russe en concurrence directe avec l’oléoduc Baku-Tbilisi-Ceyhan (BTC), qui vise à acheminer le pétrole ajerbaijanais et – avec de propres interconnections – kazakh vers la Méditerranée en contournant la Russie. Cet oléoduc, qui est en fonction depuis 2005, a été construit par un conglomérat d’entreprises internationales [9] avec de fort soutien de la part des Etats-Unis et constitue un grand succès de l’effort des pays occidentaux d’élaborer une voie d’approvisionnement énergétique hors l’influence russe. Toutefois, il marche à un niveau considérablement inférieur à sa capacité totale à cause de la productivité diminuée des gisements pétroliers ajerbaijannais. Le manque d’intérêt de la part kazakh d’y participer en raison de son engagement aux projets russes met la viabilité de BTC en danger.

En outre, Burgas-Alexandroupolis, qui est la seule route visant à transporter de pétrole de la mer Noire en contournant le Bosphore directement soutenu par la Russie, pose des grands problèmes au rôle de centre-transit principal que la Turquie veut jouer. La Turquie propose en fait la construction de l’oléoduc Samsun-Ceyhan (Trans-anatolian Pipeline) pour que le pétrole provenant de la mer Noire aboutisse à la Méditerranée sans passer du Bosphore.

  Un autre projet qui a souffert d’une façon significative de cette incapacité européenne de garantir son fonctionnement à travers des sources alternatives est “Odessa-Brody-Plock Oil Pipeline”. Il s’agit d’un oléoduc qui dans la version originale devrait transporter d’Odessa en Mer Noire de pétrole d’origine caspienne – principalement kazakhe – à Brody en Pologne. Il y a des plans pour son prolongement vers Plock et finalement Gdansk en Mer Baltique. C’est un projet de grande importance qui fera le pétrole caspien traverser l’Europe en unissant la Mer Noire avec la Mer Baltique et en contournant totalement la Russie. Toutefois, l’incapacité d’ Ukrtransnafta, l’entreprise étatique énergétique ukrainienne, de garantir des quantités suffisantes pour que l’oléoduc puisse fonctionner normalement, l’a amené en 2004 à accepter la proposition russe d’inverser sa direction et de transporter de pétrole russe provenant de l’oléoduc Druzhba vers la Mer Noire et par la en tanker vers les destinations méditerranéennes. La Russie a annulé de cette façon une fois encore un plan européen d’avoir accès au pétrole caspien pour limiter la dépendance du pétrole russe.

L’Union Européenne en considérant Odessa-Brody comme un projet d’intérêt pan-européen depuis mai 2003 s’efforce toutefois de lancer de nouveau le projet original. En mai 2007 la Pologne, l’Ukraine, la Lithuanie, la Georgie et l’Ajerbaijan ont conclu un accord de construction d’un nouvel oléoduc qui prolongera celui qui existe de Brody jusqu'à Gdansk et qui transféra de pétrole caspien en Pologne et par là aux marchés européens.[10] Toutefois, Odessa-Brody-Plock doit faire face au blocage de la Russie, qui ne permet pas le transfert en tanker de pétrole de Novorrosisk à Odessa. A Novorosisk aboutit en fait Caspian Pipeline Consortium, un oléoduc qui transfert de pétrole ajerbaijanais et kazakh vers la mer Noire. La Russie envoie en fait tout le pétrole qui arrive à Novorosisk à des destinations différentes qu’Odessa en privant Odessa-Brody de chaque possibilité de fonctionner suffisamment dans le contexte des planifications originales.

Pour suspendre le blocage la Russie demande la transformation du projet Odessa-Brody-Plock-Gdansk afin d’y participer elle-même. La satisfaction de cette condition russe annulerait pourtant une fois encore la raison d’être du projet, qui est l’acheminement de pétrole caspien en Europe hors le control russe. De toute façon, afin que CPC puisse fournir une quantité de pétrole suffisante pour couvrir les besoins d’Odessa-Brody, une amélioration considérable de l’infrastructure et une augmentation de la production pétrolière sont nécessaires, pour lesquelles la Russie met des termes graves aux entreprises américaines qui y opèrent. De plus, la Russie insiste sur l’ajournement de ces travaux jusqu'à l’oléoduc Burgas-Alexandroupolis sera construit. De cette façon, elle aura un avantage pour concurrencer l’acheminement par la mer Noir via Odessa-Brody en augmentant sa livraison par l’oléoduc greco-bulgare.

 

Le faible engagement de l’Union Européenne à la région de l’Asie Centrale

 

En outre, le refus de l’Europe et des pays occidentaux en général de coopérer avec quelques pays de la région caspienne dans le domaine énergétique à cause des raisons politiques diminue d’une manière significative les choix européens pour trouver des ressources alternatives capables de fournir assez d’énergie pour rendre les projets d’infrastructure durables et profitables. Par exemple, l’opposition chronique des Etats-Unis au développement des gisements gaziers iraniens à cause de leurs relations tenues a recule pendant plusieurs années Nabuco étant donné qu’il était en premier lieu envisagé par l’Autriche pour transférer de gaz d’Iran vers elle.

De plus, la décision en 2003 des Etats-Unis et de l’Union Européenne de terminer leur coopération en matière d’énergie avec le Turkmenistan à cause de la dictature de Niyazov, a privé Nabuco d’encore une source de gaz. Dans ce contexte, la seule possibilité qui reste est le fonctionnement de Nabuco avec de gaz de provenance azerbaijanaise. Toutefois, le gaz ajerbaijanais est aussi du à fournir le gazoduc qui passera via la Turquie, la Grèce et l’Italie. La capacité d’Azerbaijan de garantir une quantité de gaz assez grande pour que tous les deux gazoducs fonctionnent adéquatement est contestable.

   Un autre projet envisagé par l’Union Européenne pour faciliter l’acheminement de gaz caspien a l’Europe et de cette façon la diminution de la dépendance de la Russie est le projet « Trans-Caspian Gas Pipeline». Dans ce cas là aussi, les pays occidentaux se sont montrés bornés. En niant la coopération avec Turkmenistan à cause de Niyazov, ils ont mis tout l’accent pour la réussite du projet sur Kazakhstan, même si les réserves kazakhes sont beaucoup plus difficiles à accéder et plus restreintes que les turkmens. En outre, Kazakhstan n’a pas pu résister à la pression russe et a annoncé en mai 2007 qu’il serait impossible pour lui de procéder dans le projet sans le consensus russe. Quand l’ouest a décidé en printemps 2007, après le décès de Niyazov de remettre Turkmenistan en jeu, il a réalisé que son accès aux nouvelles élites turkmenes étaient assez limité pour qu’il puisse influencer leurs choix en matière de coopération énergétique. De cette façon, le  Turkmenistan a joint Kazakhstan dans son retour vers la Russie. En mai 2007 ils ont tous les deux accepté à augmenter leurs exportations énergétiques vers la Russie.

Manque de propositions attirantes au Kazakhstan de la part européenne quant au prix énergétiques et au financement adéquat des projets d’infrastructure facilitant ses exportations vers l’Europe, il a retiré son consentement également des projets d’initiative européens concernant l’oléoduc Odessa-Brody, ainsi que le système de traverse de la Mer Caspienne en tanker pour accéder l’oléoduc Baku-Tbilisi-Ceyhan. En ce qui concerne Odessa-                Brody le Kazakhstan a rendu sa participation relative à la participation russe, ce qui de nouveau annulerait la raison d’être du projet comme dans le cas de Nabuco. Quant à Baku-Tbilisi-Ceyhan, l’acheminement de l’énergie kazakhe en serait fortement facilité puisqu’il est le seul projet aujourd’hui qui peut fournir l’Union Européenne avec une solution de transfert en dehors du control russe. Cependant, il  fait face à une énorme concurrence de la part de CPC, qui absorbe la grande partie du pétrole kazakh vers l’Ouest.

 

Conclusion

 

La politique européenne énergétique dans la région de la mer Caspienne souffre des désaccords entre les pays membres quant aux choix stratégiques de l’Union. Pour que des grands projets d’infrastructure puissent s’effectuer et se fonctionner d’une façon efficace, un consensus intra-européen doit être atteint. Le fait que l’Union Européenne, qui montre une telle difficulté de prendre de décisions et d’agir vite et effectivement, doit faire face à la Russie, qui présente de caractéristiques exactement inverses, aggrave beaucoup la position européenne dans le jeu énergétique de la région. La Russie se montre capable d’offrir à ses partenaires des promesses concrètes, de négocier avec eux d’une manière ferme.

Il y a besoin d’un cadre plus précis, dans lequel l’Union élaborera sa politique énergétique. L’intégration de la politique énergétique à la Politique Etrangère et de Sécurité Commune signalerait la reconnaissance du rôle crucial que l’aspect énergétique joue dans l’effort de l’Union Européenne de créer une zone élargie de stabilité et de prospérité autour d’elle.

Une fois qu’un cadre plus officiel pour l’exercice de la politique extérieure énergétique a été créé, l’Union Européenne devrait être capable de se montrer plus déterminée de s’engager aux problèmes de la région de la mer Caspienne et d’offrir aux gouvernements partenaires de soutien essentiel face à la pression russe, d’offrir de  perspectives alternatives crédibles pour qu’ils prennent la décision difficile de se rendre solidaires aux projets européens.

De plus, un fort engagement au développement de la région de la part de l’Union Européenne est nécessaire à la prise de décision de la part des grandes entreprises énergétiques internationales d’investir dans les projets envisagés dans la région pour diversifier l’acheminement énergétique.

Toutefois, l’Europe ne doit pas se rester concentrée à la diversification des voies de transit énergétique. Etant donné que l’origine de l’énergie reste toujours russe, la construction de nouveaux projets d’infrastructure qui la transportent par des voies alternatives (Nord Stream, South Stream, Blue Stream) ne change de manière considérable la situation de dépendance européenne de la Russie. Les investissements dans le développement de nouveaux gisements qui s’évolueront vite à des sources énergétiques alternatives, est prépondérante. 

De toute façon, la connexion des sources énergétiques de l’Asie Centrale directement au marché européen  ferait la Russie perdre le monopole du control du transport énergétique. Par conséquent, elle serait obligée de s’orienter vers une transformation de sa politique énergétique, de la rendre plus conforme aux règles du marché, de l’économie libérale. Elle serait amenée en fait de dégager sa politique énergétique de son statut actuel d’outil de pression politique de ses pays voisins. Néanmoins, autant longtemps que ses clients européens se contentent manque d’autre choix de vivre sous le monopole énergétique russe, la Russie posera ses propres règles de jeu.  

 


Bibliographie

 

Documents européens

 

Ø       Commission des Communautés Européennes, Livre vert, Une stratégie européenne pour une énergie sûre, compétitive et durable, 2006

Ø       Secrétaire Général/Haut Représentant, Document destiné au Conseil Européen, Une Politique Extérieure au Service des Intérêts de l’Europe en matière énergétique – Faire face aux risques extérieurs en matière énergétique, 2006

Ø       Commission des Communautés Européennes, Communication au Conseil et au Parlement Européen, Sur l’élaboration d’une Politique Énergétique pour l'Union Européenne élargie, ses voisins et partenaires, 2003

 

Périodiques

 

Ø       Paillard Christophe-Alexandre, « Fragilites et Incertitudes Europeennes », Questions Internationales, (24), mars-avril 2007, pp. 71-77

Ø       Lorot Pascal, « Geopolitique des hydrocarbures », Questions Internationales, (24), mars-avril 2007, pp. 35-42

Ø       Gomart Thomas, « Quelle place pour la Russie en Europe ? », Questions Internationales, (27), septembre-octobre 2007, pp. 42-48

Ø       Rucker Laurent, « La Russie, acteur énergétique global », Questions Internationales, (24), mars-avril 2007, pp. 69-70

Ø       Baran Zeyno, « EU Energy Security: Time to End Russian Leverage», The Washington Quarterly, 30(4), autumn 2007, pp. 131-144

Ø       Baran Zeyno, Apokis Dimitris, «Strategic Vision or Strategic Mess? Greece should pass on accepting an oil pipeline from Russia.», National Review, March 14, 2007

Ø       Socor Vladimir, «Central Asia – Europe Energy Projects: Itemizing what went wrong», www.jamestown.org, 31 mai 2007

Ø       Chevalier, Jean-Marie, Zaleski, C.-Pierre, « Energie : Les relations entre l’Union Européenne et la Russie », Revue Politique et Parlementaire, 108(1039), 2006, pp. 80-89

Ø       Vitale Alessandro, «The EU wants to build an energy strategy in the Caspian region», www.caucaz.com, 9 janvier 2007

 

Ouvrages

 

Ø      Lizin, Anne-Marie, Zeisler, Nicolas (Eds.), Gazprom, stratégie de la Russie, Bruxelles, Editions Luc Pire, Voix Politique

 

Plusieurs articles de Washington Post, International Herald Tribune, Turkish Daily News

Sites Internet : www.europa.eu.int


[1] Seuls deux pays sont des producteurs nets – le Danemark et les Pays-Bas. Le Royaume-Uni devrait perdre ce statut à très court terme et les 24 autres pays membres de l’Union sont dépendants des importations à un degré qui est fonction du poids du gaz dans leur consommation.

[2] La capacité du gazoduc sera 31 milliards m^3 par année. Il est prévu que les premières livraisons de gaz commencent vers la fin de 2013.

[3] Une branche additionnelle de la route septentrionale est prévue, qui va passer par la Serbie et la Croatie. En janvier 2008 un accord a été signé entre la Russie et la Serbie sur cette route. 

[4] Dans le contexte de Nabuco, l’Autriche sera la destination du gazoduc. En fait, l’Autriche a mis en marche les plans sur Nabuco afin de garantir son approvisionnement énergétique des sources alternatives aux russes.

[5] L’oléoduc appartiendra à une entreprise constituée à 51% de “Burgas-Alexandroupolis Pipeline Consortium” -  les entreprises étatiques russes Transneft, Rosneft et Gazprom Neft y participent, à 24,5% de AO Burgas-Alexandroupolis Project Company-BG – les entreprises bulgares Bulgargaz and Transexportstroy, et à 24,5% d’un conglomérat grec - Hellenic Petroleum, Thraki, Etat grec.

[6] Le gazoduc sera construit et opéré par un conglomérat forme par Gazprom, à laquelle appartient 51% des actions, et deux entreprises allemandes, E.ON Ruhrgas et Wintershall, qui possèdent 24,5% des actions chacune.

[7] Le gazoduc partant de Portovaϊa, à la frontière russo-finlandaise, jusqu’au terminal de Greifswald, sur le littoral nord de l’Allemagne, doit s’étendre dans sa partie sous-marine sur plus de 1200 km. Il devrait acheminer 27,5 milliards de m^3 de gaz par an depuis les gisements de Sibérie occidentale.

[8] La partie greco-turque du projet, qui est déjà en fonction depuis novembre 2007, transfert 250 millions m^3. La partie greco-italienne du projet devrait être construit jusqu'à 2012, quand la quantité du gaz transfert sera augmentée à 11.6 milliards m^3. 

[9] La majorité des actions du conglomérat appartiennent à BP (30.1%).

[10] L’oléoduc sera construit par Sarmatia sp.z.o.o., qui est constituée de Ukrtransnafta, PERN – l’entreprise étatique énergétique polonaise, Georgian Oil and Gas Corporation (GOGC), State Oil Company of the Azerbaijani Republic (SOCAR), qui posséderont tous 24,75% des actions et Klaipedos Nafta, l’entreprise énergétique lithuanienne, qui possédera 1%.   

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