Juillet 2005: l'oléoduc BTC (Bakou-Tbilissi-Ceyhan) reliant la capitale de l'Azerbaïdjan au littoral méditerranéen de la Turquie,via la Géorgie,était officiellement inauguré par le Président azeri Ilham Aliev, qui devait déclarer à cette occasion: un rêve grandiose est devenu réalité".
Cette inauguration , (deux ans déjà) survenait (et c'est plus qu"un symbole!) quasiment un siècle jour pour jour après la publication, par le Gordon Institute of Economics, d'un Rapport intitulé" : "Bakou, centre mondial du pétrole".
Le fait est que,au strict plan de la prouesse technique ,cet oléoduc (dont le coût de la construction dépassa les 4 milliards de dollars) est tout à fait exemplaire: sur plus de 1800 kilomètres, il traverse un environement physique très conrtaignant (notamment l'ossature montagneuse du Causase)et s'élève parfois au delà des 2400 mètres d'altitude. Son tracé correspond aussi à une zone supra régionale particulierement riche en contentieux, voire en conflits ouverts.Et la période contemporaine,en ce domaine,en dépit d'une baisse indéniable de certaines tensions inter étatiques, n' a pas vu totalement disparaitre les défis qui contribuèrent à ensanglanter l'ensemble causasien tout au long de ces derniers siècles, de la question des minorités arméniennes en Géorgeie au problème kurde en Turquie ,en passant par l'imbroglio du Nagorny-Karabakh...
Deux constats et un rappel historique peuvent être établis au titre de cette évocation sommaire:
1)le choix même du tracé,au delà des contraintes physiques, permet d'ignorer l'Iran et de contourner la Russie de Poutine.Au grand dam du Kremlin;qui contrôlait l'ensemble de la région jusqu'à l'implosion de l'URSS, mais qui préféra ostensiblement favoriser dans un premier temps l'exploitation (à l'époque moins coûteuse) des hydrocarbures sibériens.Un Kremlin qui s'empressa de souligner "que le tracé du pipe line obéissait à de strictes considérations politiques" et que "le BTC allait pouvoir servir de prétexte à Washington pour s'implanter militairement ,et définitivement, dans la zone". Les observateurs internationaux n'ont pas manqué de souligner que lors de l'inauguration,les Russe brillèrent par leur absence ,au contraire du Président du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbaëv.
2)Construit par un consortium international au sein duquel les Etats Unis ont tenu une large place, l'oléoduc "des Deux Mers" ouvrait donc la Méditerranée et, via cette dernière,le marché des puissances occidentales ,au pétrole de la Caspienne, Une rente spectaculaire pour Bakou,mais un phénomène qui va peut être aussi contribuer à resserrer les liens entre la Turquie (membre de l'OTAN et candidate à l'entrée dans l'Union Européenne,la Géorgie et l'Azerbaïdjan et donc bouleverser singulièrement la donne géopolitique régionale au détriment de Moscou.
Quant au rappel historique, il concerne précisément l'étude (évoquée supra)réalisée il ya un siècle! Ledit Rapport ne manquait pas de souligner , non sans pertinence,que "l'avenir de Bakou et sa prospérité supposaient deux conditions complémentaires majeures: la stabilité politique régionale (hypothèse confirmée, y compris via des contre exemples, par les vicissitudes subies par l'ensemble des Etats de la zone tout au long du XXeme siècle..)et la construction d'un oléoduc reliant Bakou à la Méditerranée!"
Tout va très vite en Azerbaïdjan.Un simple commentaire: en 1944,un "spécialiste " de la région,Thomas Golz, correspondant de guerre américain, n'hésitait pas à tracer un tableau prospectif particulièrement pessimiste pour l'avenir de la région.Dans son ouvrage consacré à l'Azerbaïdjan,("Requiem for a Would-be-Republic" ..tout un programme) , il considérait alors ,avec pas mal d'imprudence,sinon d'impudence,"que la viabilité du pays en tant qu' Etat était plus que douteuse et qu'il était sur le point d'éclater et de disparaitre"...
Quatre ans plus tard, le même Golz refaisait sa copie et décrivait "un pays en pleine renaissance,désormais stable,et résolument tourné vers l'avenir"!!
Ce n'est peut être pas non plus un hasard si Vladimir Poutine,la semaine dernière, contrant les Américains sur le terrain sensible de l'implantation en Europe d'un élément majeur du bouclier anti missile, a proposé d'installe r ce dernier..en Azerbaïdjan !
Jacques Soppelsa