Après la communauté Rom dont elle a brûlé les abris de fortune dans les bidonvilles, l'organisation criminelle poursuit son tour des communautés que la mondialisation a installées sur son territoire.
La communauté africaine est sous la coupe des Nigérians, présents dans la région de Naples depuis les années 80. Les Nigérians organisent l'immigration clandestine des Africains, à qui ils offrent un aller gratuit vers l'Italie s'ils acceptent detransporter de la drogue. Ce fut d'abord de l'héroïne, c'est maintenant plutôt de la cocaïne et des méta-amphétamines, qui transitent par l'Afrique à cause du renforcement des contrôles aux frontières de l'Union européenne. Une fois sur place, les Africains participent au contrôle du marché de la prostitution, à la vente des produits stupéfiants au détail, mais aussi... aux activités « légales » comme la confection.
Les Nigérians en Campanie ont fini par devenir de sérieux concurrents pour la Camorra. Les premiers affrontements avec le clan des Casalesi ont eu lieu à partir de 1986. Cette année-là, six Africains furent blessés en guise d'avertissement, puis un accord fut trouvé : les Nigérians auraient l'autorisation de vendre de la drogue à condition de payer le pizzo, l'impôt mafieux. En 1990, en tentant d'étendre leur zone de vente, les Nigérians se heurtèrent à nouveau aux Casalesi. Sept Nigérians y laissèrent la vie.
Ces dernières années, beaucoup crurent que les condamnations des « boss » historiques Schiavone et Bigdognetti et les cavales de patrons importants comme Zagaria et Lovine, avaient affaibli le clan Casalesi. La réaction fut prompte et sanglante. Un vieil homme de 78 ans, père d’un repenti qui avait déclaré que les camorristes étaient « tous des bouffons », fut exécuté. Puis ce fut un homme qui avait dénoncé ses racketteurs, puis un entrepreneur trop bavard avec les magistrats. La loi du silence en sortit raffermie. Les concurrents furent rappelés à l'ordre avec le meurtre de plusieurs ressortissants des pays de l'Est qui s'étaient montrés trop indépendants. Ainsi, loin d'être affaibli, le clan s'était réorganisé. Aux « anciens » les activités plus discrètes (les appels d'offre concernant le ramassage et le traitement des déchets, les activités de recyclage de l'argent dans les industries du Nord de l'Italie et à l'étranger), aux « jeunes pousses » les activités plus voyantes et violentes (le contrôle du territoire, l'argent du racket et du trafic de stupéfiants). Ce sont ces derniers qui remettent au pas ceux qui tentent de leur échapper.
Face à ces assassinats de personnes certes dans l'illégalité, mais ne menant aucune activité criminelle, l'Etat est obligé d'intervenir. Comme avec l'affaire des poubelles, il s'appuie sur l'armée. Il y a fort à parier pour que cela n'apportera rien de bien nouveau. Des écoutes téléphoniques menées en 2003 ont montré que les Casalesi disposaient de « bons contacts » à la mairie de Parme, notamment avec un collaborateur de Pietro Lunardi, le ministre des transports du gouvernement Berlusconi, qui avait déclaré : « la mafia a toujours existé, il faut cohabiter avec elle ». La cohabitation est sans doute plus facile vue d'un cabinet ministériel que d'un atelier africain de confection des environs de Naples.