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  • : La géopolitique par Jacques Soppelsa
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Cv Jacques Soppelsa

Agrégé de géographie , Docteur d'Etat ,et Professeur de géopolitique à l'université Paris I (Panthéon-Sorbonne). Retrouvez le Cv résumé en cliquant sur le lien suivant : Jacques Soppelsa

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Publications

1971 : Les Etats Unis (PUF)
1972 : Géographie Universelle (2 tomes) Livre du mois
1973 : Le Moyen  Orient (3 tomes) Mang
1975 : L'économie des Etats Unis (Masson). Livre du mois
1976 : La Géorgie méridionale et le Vieux Sud des Etats Unis (thèse)
1979 : Les grandes puissances (Nathan)
1980 : Géographie des Armements (Masson) Livre du mois
1981 : Histoire du Far West (Larousse  BD) 32 facsicules en coll.
1982 : La Terre et les hommes (Belin)
1984 : Des tensions et des armes (Publications de la Sorbonne)
1986 : Lexique de  Géographie Economique (en coll  Dalloz)
1988 : Lexique de Géopolitique (Dir. Dalloz)
1992 : Géopolitique de 1945 à nos jours (Sirrey)
1994 : La Patagonie (en coll. Autrement)
1995 : Los Frances en Argentina (en coll .Zago)
1996 : La dictature du rendement (Ellipses)
1997 : Dix mythes pour l'Amérique (Colin)
1999 : la démocratie américaine (Ellipses)
2001 : Géopolitique de l'Asie Pacifique (id)
2003 : Le Dialogue régional en Amérique Latine (Ellipses)
2005 : Les Etats Unis .Une histoire revisitée (La  Martinière-.Le Seuil)
2006 : "Dix morts en sursis" -Roman de Géopolitique fiction- Editions du Club Zero
2008 : Géopolitique du monde contemporain (en coll.) (Nathan)

2009 : Les sept défis capitaux du Nouvel Ordre Mondiale

2010 : Dictionnaire iconoclaste de l'immigration

2011 : Géopolitique et Francophonie

2012 : Louis XVII, La piste argentine

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28 août 2007 2 28 /08 /août /2007 17:09

 

Réflexions sur le "complexe militaro industriel":

"Jusqu'au dernier conflit mondial, les Etats Unis ne possédaient pas d'industries d'armements.Les fabricants américains de charrues pouvaient, quand il le fallait, produire aussi bien des épées.mais nous ne pouvions pas courir plus longtemps le risque des improvisations d'urgence dans le domaine de la défense nationale. Aussi avons nous été amenés à créer une industrie d'armements de vastes proportions travaillant en permanence. Il s'y ajoute les trois millions et demi d'hommes et de femmes directement engagés dans les effectifs de la défense.Nous dépensons annuellement pour notre sécurité militaire plus que le revenu net de toutes les sociétés américaines.

Cette conjonction d'un personnel militaire considérable et d'une importante industrie d'armements constitut un fait nouveau dans l'expérience américaine.Son influence, économique, politique et même militaire, se fait sentir dans toutes les villes, dans toutes les assemblées législatives d' Etats, dans tous les bureaux du gouvernement fédéral.Nous reconnaissons la nécessité impérieused'un pareil développement.Mais nous ne devons pas oublier d'en saisir les graves implications.Elles concernent notre travail,nos ressources, notre existence.Telle est la structure même de notre société.Dans les organismes gouvernementaux,nous devonsempêcher ce complexe militaro industriel d'acquérir une influence abusive ,qu'il agisse de façon délibérée ou non. La possibilité existe,et elle persistera,que cette puissance connaisse un accroissement injustifié, dans des proportions désastreuses. Nous ne devons jamais permettre à ce complexe militaro industriel de mettre en danger nos libertés ou nos méthodes démocratiques.Rien,en vérité,n'est définitivement garanti. Seuls des citoyens vigilants et bien informés peuvent rompre ce véritable engrenage de la gigantesque machine industrielle et militaire de défense, à l'aide de méthodes et d'objectifs pacifiques, de façon que la sécurité et la liberté puissent prospérer de concert."

Tout est dit..ou presque,à travers des propos qui ne ne sont pas tenus par un leftist radical ou un irresponsable, mais par un ancien Général, Président des Etats Unis de surcroit, Dwight Eisenhower,à la veille,certes,d'achever son second (et dernier) mandat présidentiel.!

En effet,le "complexe militaro industriel", né avec la Seconde Guerre Mondiale, a été considérablement fortifié par la saga nucléaire, tout particulièrement,(nous l'évoquions supara), avec la révolution des missiles balistiques et l'évolution des doctrines stratégiquesinduites par cette dernière..Notamment durant la Guerre Froide.

Le complexe mérite bien son nom: Il repose en effet sur la conjugaison (unique dans l'histoire de l'humanité) de quatre éléments essentiels,et n'a rien de ce "bloc homogène et impérialiste" décrit et dénoncé par un Sidney Lens, au début des "seventies".

Quatre éléments:

-le Département de la Défense, tout d'abord. Sa structure est tripartite :

-les Services Centraux, tout d'abord, concentrés à Washington,au "Pentagone", et qui comprennent notamment 13 divisions spécialisées, dont 7 sont directement concernées par le secteur des "industries d'armement".
-les Agences Fédérales, de création relativement récente, la plus ancienne , la D N A ( armements nucléaires) remontant à 1947.Ces Agences Fédérales sont chargées d'une tâche ou d'un groupe de tâches spécifiques et dépendant directement du "Ministre" de la Défense Et même si, parmi elles, la "D S A" ( Defense Supply Agency) joue un rôle important,ce n'est pas tout à fait un hasard ,tant s'en faut,si l'ainée de ces Agences est, précisément, celle qui a pour champ de compétences le secteur atomique! Rappelons en outre que ces Agences Fédérales sont elles mêmes organisées en branches et contrôlent des unités régionales
-les quatre armes, enfin: l'Armée de Terre (Army), l'Armée de l'Air (Air Force), la Marine (Navy) et le corps des "Marines".

Quatre armes qui, nous y reviendrons, sont loin d'avoir des comportements "collectifs" et solidaires .De sévères affrontements ont ainsi pu être relevés,notamment au cours de la période 1960 et 1990, entre l'Armée de Terre et l'Armée de l'Air, tant au plan des crédits accordés par le pouvoir fédéral qu'à celui des options stratégiques à adopter.

-les industries de la Défense,ensuite:

Ils constituent, eux aussi, un groupe très hétérogène,avec:

- les plus importantes firmes de la constuction aéronautique, de la construction et de la réparation des navires, des munitions, des télécommunications et des composants électroniques (ce que les pécialistes américains appellenr les "Big Five" )Parmi elles, Boeing, Lockheed, IBM ,Grunmann ,etc.;

-quelques gros établissements polyvalents (" les firmes à activités liées") ou conglomérats, partie prenante au sein des champs d'activités technologiques les plus sophistiquées,mais pour lesquels les contrats avec le Département de la Défense ,tout en étant fort susbtantiels; ne représentent qu'une partie relativement modeste de leurs chiffres d'affaires,de General Electric à General Motors en passant par Temco ou General Dynamics..

-de très nombreux petits établissements de sous traitance,généralement hyper spécialisés et implantés en particulier dans les régions économiques les plus fragiles,comme le "Deep South",le Centre Est Appalachien ou le Nord Ouest Pacifique.

Songeons qu'à la fin du conflit vietnamien, le secteur des industries militaires, sensu largo,représentait ,par exemple, plus de 15% du revenu total de l'Etat de Virginie ou plus de 13% de celui du Tennessee ,et qu'à cette époque,plus d'un actis sur six, en Géorgie, dépendait directement de l'économie de guerre! Corollaire particulièrement révélateur ,à la veille de la Seconde Guerre du Golfe, ce sont précisément les populations de ces régions un tantinet marginales au plan du dynamisme économique qui ont fourni le plus grand nombre de partisans enthousiastes de l'initiative de George W Bush.. Ce phénomène de sous traitance est donc loin d 'être secondaire, à bien des égards. Aux élections présidentielles de 1968, en plein drame vietnamien, face au Vice Président sortant Humphreys et au revenant républicain Richard Nixon,George Wallace,le "troisième homme" qui ne cachait guère son idéologie d'extrême droite, et qui s'était singularisé par son opposition forcenée aux lois relatives à la discrimination raciale, fit de très modestes sores dans la plupart des Etats de l'Union...mais un véritable un tabac dans les plaines côtières du Vieux Sud, notament de la Virginie au Mississippi.. des régions où la population noire était largement majoritaire, y compris dans le corps électoral !.Les Noirs avaient tout bonnement voté pour le candidat raciste , celui qui proposait ouvertement,non seulement de poursuivre, mais d'accroitre l'engagement militaire dans la péninsule indochinoise, gage de pérennisation de la vitalité des grandes bases locales,sources majeures d'emplois !

Mais ladite sous traitance ne constitue toutefois qu'un élément marginal à l'échelle de l'économie nationale,comparé au rôle permanent tenu par les plus grandes entreprises

Depuis la fin de la guerre au Vietnam, à de très rares exceptions près, plus des trois quarts du total des contrats fédéraux passés avec les industries d'armements ont concerné exclusivement les cent premières sociétés du secteur , pourcentage qui frôle ou dépasse les 90% pour les "Big Five"..Plus significatif encore: la comparaison de ces firmes à partir d'un critère original :le nombre d'officiers généraux ou supérieurs à la retraite employés par ces dernières. Samuel Yamolinsky avait procédé à semblable analyse en 1970, au coeur du conflit: à cette date , Lockeed employait, par exemple, 210 officiers à la retraite,quasiment tous issus de l'Armée de l'Air; Boeing en recensait 170, Mc Donnell Douglas 140...L'actualisation de ces données montre,en 2005,que rien n'avait changé en la matière: 185 pour Lockheed Georgia,à Marietta, 170 chez Boeing,.

Et lorsque l'on jette un coup d'oeil sur les quarante premiers fournisseurs aux Armées, aucun n'employait moins de dix officiers généraux ou supérieurs ..

-Les institutions universitaires:

Les liens entre universités et industries de pointe (dont les industries de défense) sont multiples (et anciens) aux Etats Unis. Les grandes sociétés disposent,certes,de leurs propres divisions en matière de "recherche et développement",et le secteur industriel constitue ,et de loin,la première source de production de brevets (plus des deux tiers),.Mais ce constat ne s'applique,pour l'essentiel,qu'à la recherche appliquée. En revanche,la recherche fondamentale demeure le fait des grandes institutions universitaires,implantées, notamment,dans le Nord Est et sur la côte pacifique. Dans le Nord Est, de vénérables institutions comme Harvard, Yale, Columbia,Princeton ou le M I T,ou les universités californiennes (Berkeley, Stanford, U C L A ..sont liées depuis des lustres,aux principaux conglomérats (financement des laboratoires de recherche)et aux parcs industriels..) Il y a plus d'un tiers de siècle,la désormais célèbre Route 128, autour de l'agglomération de Boston,recensait déjà plus de 800 établissements travaillant régulièrement avec les principaux pôles de recherche universitaires et, depuis plus de trois décennies, reçoit en moyenne plus de 150 milios (en dollars constants)de crédits de recherches octroyés par l'administration fédérale;on comprend sans difficultés,dans ce contexte,que l'Initiative de Défense Stratégique de Ronald Reagan (la "Guerre des Etoiles") déclencha un unanime concert de louanges du côté des chercheurs bostonniens...toutes sensibiités politiques confondues.!

-Le Congrès:

La Chambre des Représentants,et plus encore,le Sénat,,jouent un rôle clef dans la délivrance des autorisations de contrats militaires,au moins les plus importantes. Et les intérêts des élus de la Nation peuvent ne pas toujours coïncider avec les impératifs techniques ,financiers ,voire tactiques, du Département de la Défense.Durant le dernier tiers de siècle, le choix des sociétés candidates à l'obtentiondes contrats les plus importants ont été systématiquement justifiés,soit par des arguments stratégiques (la bivalence du transporteurC-5 A de Lockheed ou la polyvalence du chasseur F.III de General Dynamics,par exemple) soit par des auguments "administratifs".

Au delà de la véracité de semblables assertions ,elles nous paraissent ,avce le recul, nettement moins significatives que le facteur "économico politique", même s'il n'y a pas toujours incompatibilité entre eux On a ainsi pu constater,à travers une bonne douzaine de "cas majeurs", une étroite liaison entre les choix..et les difficultés financières des firmes en compétition (liaison soulignant le souci de l'Administration fédérale de venir indirectemnt en aide , en priorité, aux grosses sociétés en difficultés, même temporaires. Mais cette corrélation nous semble fortement renforcée ou contrariée, ici ou là ,par des impératifs politiques régionaux. Certes ,chaque Grand des industries de l'Armement dispose de moyens de pressions tout à fait légaux mais considérables, Outre Atlantique, via la généralisation des pratiques de lobbyism. Plus de 90% des I000 plus importantes entreprises américaines en 2004,disposaient de leurs propres équipes de lobbyists, installées en permanence dans la capitale fédérale. Mais les considérations géographiques demeurent très importantes Songeons, par exemple que sur une trentaine de contrats majeurs,accordés au cours des trois dernières décennies,le Comité de Délivrance des Autorisations de Programmes ("Armed Service Commitee") a choisi à dix sept reprises des sociétés implantées dans les trois Etats les plus peuplés de l'Union, et donc les plus fortement représentés à la Chambre Basse; et huit autres concernaient des firmes originaires de l'Etat .du Sénateur Président dudit Comité: le Washington State (avec le Sénateur Henry Jackson et Boeing); le Missouri (avec Stuart Symington et Mc Donnell Douglas) et la Géorgie (avec Richard Russel et Lockheed). Mieux,dans le cas de trois de ces huit contrats majeurs,le Comité opta en définitive pour un candidat différent de celui qui avait eu le bonheur d'être présélectionné par le "Source Selection Board" du Département de la Défense. Parmi les plus édfiants figureen bonne place l'exemple de l'octroi du programme C 5 A à Lockheed Georgia,quelques semaines après le présélection d'un concurrent et..le retour à la tête du Comité du Sénateur de Géorgie, Richard Russell) ...

Bizarre... Vous avez dit "bizarre?" Comme c'est bizarre...

 

Jacques Soppelsa

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