Un peu d'histoire.
Les Négociations S.A L T1 ou l'archétype de la perversité:
Le 26 Mai 1972, le Président des Etats Unis,Richard Nixon,et le numéro 1 de l'Union Soviétique, Leonid Brejnev, signent un traité portant sur "la limitation des systèmes de missiles antibalistiques" (S.A.L.T 1). Notons tout d'abord que la cérémonie consacrée à ladite signature ,concélébrée en grandes pompes,a lieu à Moscou...C'est en effet à l'initiative des Américains que les négociations s 'amorcent.Nixon se déplace en personne chez le "partenaire-adversaire". L'Union Soviétique , à l'époque,reste un compétiteur redoutable...et redouté.
La lecture du texte, premier traité bilatéral de toute l'histoire de l'après guerre en matière de contrôle des armements, est tout à fait révélatrice:
Son préambule en particulier:
"..Les Etats Unis d'Amérique et l' Union des Républiques Socialistes Soviétiques,agissant en tant que partie:
-partant de la prémisse qu'une guerre nucléaire aurait des conséquences dévastatrices pour l'ensemble de l'humanité (ce qui est , effectivement, difficilement contestable !)
-considérant que des mesures efficaces pour limiter les sytèmes de missiles antibalistiques sera un facteur important dans la limitation de la course aux armes stratégiques offensives et conduiraient à une diminution du risque d'une guerre dans laquelle des armes nucléaires seraient utilisées;
-partant de la prémisse que la limitation des systèmes de missiles antibalisitiques, ainsi que l'adoption de certaines mesures concernant la limitation des armes offensives stratégiques contribueraient à la création de conditions plus favorables pour de nouvelles négociations sur la limitation des armes stratégiques;
-ayant à l'esprit leurs obligations découlant de l'article 6 du Traité de Non Prolifération des Armes Nucléaires.. déclarent leur intention commune d'arriver à la date la plus proche possible, à l'arrêt de la course aux armements nucléaires".
Nous sommes bel et bien au coeur de la "détente" ou, si l'on préfère, de la "coexistance pacifique".
Le choeur des Nations Unies va saluer l'initiative des deux larrons par un concert de louanges quasi unanimes . Seuls, quelques individus,confinés dans leurs rôles de méchants, tels le Cubain Fidel Castro, le Libyen Khadafi ou le Chinois Mao Dse Dong, pour des raisons d'ailleurs fort diverses,s'autoriseront à émettre un tout autre son de cloche. La course aux armementsva donc être officiellement stoppée!.
Versant positif (ou officiel, ce qui est, dans ce contexte, rigoureusement la même chose): les acquis du Traité S A L T 1 sont indéniables:L' Accord (articles 1et 2) impose une réduction incontestable d'un type particulier de défense américain et soviétique contre les missiles balistiques.Il gèle le nombre de vecteurs porteurs de ces missiles, tout en actualisant (articles 12 et 13 portant sur les mesures de vérification et de confiance, le célèbre "téleéphone rouge". Les deux partenaires-adversaires se font,certes,confiance, mais ont plus confiance encore dans la nécessité de prévoir des moyens efficaces de vérification mutuellle del' application concrète de l' accord ! Mais le traité en question n'impose,en revanche, aucune restriction quant à l'amélioration qualitative des armes nucléaires, ni au nombre d'ogives équipant chaque missile.
Avant même la rencontre de Vladivostock,au printemps 1974, les Russes vont s'empresser de moderniser leur arsenal ,dans les domaines non concernés par les négociations, et de révéler (message délivré à l'attention,en priorité ,des pays du Tiers Monde, le développement et la fabrication de quatre nouveaux types d'engins balistiques à capacité accrue , particulièrement préciset capables de lancer simultanément pluieurs ogives nucléaires sur un même objectif (missiles Marvés)ou, mieux encore,sur des objectifs différents (missiles Mirvés), dont les fameux modèles SS 16, SS 17,SS 18..qui contribueront à alimenter,aux côtés ,notamment, des Pershing et des missiles de croisière nord américains,la chronique de la crise de 1979.Les Russes,en parallèle vont doubler le nombre de leurs sous marins nucléaires lance engins. En face, tout en désarmant effectivement leurs silos ABM sol-sol du Nebraska ( considérés dès cete datte par tous les observateurs comme obsolètes!) les Américains se précipitèrent à leur tour dans le R § D.le plus sophistiqué, des types d'armes également non concernés par l'accord S A L T (amélioration qualitative des ogives nucléaires, accroissement de la capacité de leurs sous marins, tests d'engins sans pilote..).Comme l'écrivit en son temps le Général Gallois, même si cet auteur ,viscéralement attaché à la doctrine gaullienne de dissuasion ,et farouche souverainiste, était peu suspect de sentiments pro américains ou pro soviétiques, "la période immédiatement postérieure à la signature des S A L T 1, présentée comme un grand pas vers le désarmement, a vu les Américains passer de quelques 8 000 ogives à plus de 20 000 (par le canal, évoqué supra, des techniques de "marvage" et de "mirvage"),et aux Russes d'en faire autant en portant le nombre de leurs ogives de 8 600 à 26 500...Beau désarmement que celui là !
En réalité,lesdits accords,comme leur nom ne l'indique guère, n'ont pas grand chose à voir avec de quelques négociations sur une limitation des systèmes d'armes.La liste des principales innovations concoctées ici ou là , durant la période comprise entre S A L T 1 et S A L T 2 (de nouvelles négociations étant expréssement prévues par l'article 15 du premier traité, article relatif à l'obligation de réactualiser ses attendus dans un délai de cinq ans) est particulièrement éloquente! La maîtrise des armements a largement échoué, pour la bonne et simple raison qu'au delà des gestes politiques accomplis par les leaders des deux Superpuissances à l'attention de la communauté internationale,le but visé était tout autre. Il s'agissait de concilier,en période de "détente", les intérêts,parfois contradictoires mais souvent convergents,du complexe militaro industriel américain,d'une part, du complexe militaro bureaucratique soviétique,d'autre part
.Ces premières négociations ont contribué,en reléguant au rang de "détails techniques" des problèmes de fond, à renforcer des créneaux de production de plus en plus sophistiqués,rapidement occupés par les plus grands conctructeurs; elles ont contribuécôté américain, à la concentration accélérée des industries concernées (notarmment dans le secteur des " Big Five"; et, côté soviétique,à une consolidation difficilement niable du pouvoir du Kremlin à l'égard du Bloc de l'Est, tout en confirmant les deux Supergrands dans leur position, un tantinet ubuesque, "d'overkiling".
Jacques SOPPELSA